Navigation prudente vers Los Roques
Etape phare de notre voyage, nous partons pour l’archipel de Los Roques début février. Malgré les rumeurs d’insécurité qui courent sur les pontons et l’annonce d’un coup d’état au Vénézuela quelques jours avant notre départ nous ne nous résignons pas à faire une croix sur cette perle des caraïbes. Nous parions sur l’effet insulaire pour nous mettre à l’abri des remous politiques de Caracas. Il s’agit seulement d’être vigilants sur le trajet pour éviter les mauvaises rencontres… de type pirates.
Nous partons donc en mini-flottille avec Comalvi (nous ne sommes que 2 bateaux, n’ayant pas trouvé d’autres courageux pour nous suivre !) notre AIS branché en mode fantôme (réception sans émission). Nous naviguerons feux éteints, attention donc au risque de collision surtout avec le navire-ami qui avance auprès de nous dans le noir lui aussi ! Nous éviterons aussi d’utiliser la VHF, à basse fréquence de préférence et avec des noms de codes pour ne pas être trop identifiables. Dans la mesure du possible nous préférerons les transmissions par iridium. Je soupçonne Vincent et Gérault de s’être allègrement pris au jeux de cette navigation un peu spéciale !
Et nous voilà donc partis après avoir rempli nos cambuses comme si nous partions dans le désert, pas sûr que le ravitaillement hebdomadaire aux Roques arrive encore en période de guerre civile !
Après un après-midi pour se caler à plus ou moins 0,5 milles de distance l’un de l’autre, nous entamons notre première nuit, ça fait du bien de se retrouver en navigation ! Nous sommes plusieurs à éprouver un vrai sentiment de liberté à nous retrouver en pleine mer.
Les bonnes habitudes reviennent : dîner avant le coucher du soleil (soit à 17h30 !) et coucher avec les poules vers 18h30 /19h. Cette fois-ci interdiction de lire dans son lit puisque nous naviguons feux éteints ! Le premier quart est pour Amicie mais Vincent reste avec elle. Nous croisons un nombre impressionnant de bateaux essentiellement des bateaux de pêche et nous redoublons de prudence. Si le reste de la nuit se passe très calmement nous croisons le lendemain une vedette qui avance à très vive allure vers le nord. Avec les jumelles, Vincent repère plusieurs hommes sur le toit de la vedette…peut-être du trafic de drogue entre Margarita et les Antilles ? Nous éprouvons des sentiments mêlés entre excitation et inquiétude…
La deuxième nuit, nous passons au large de Las Orchillas, îles militaires Vénézuéliennes. Nous décidons avec Comalvi de rallumer nos feux de navigation afin de ne pas risquer d’être pris pour des narcotrafiquants ! Un troisième voilier fait route avec nous vers Los Roques, nous l’avons repéré dès le début et nous sommes bien contents qu’il vienne, sans le savoir, grossir notre flottille. Mais au milieu de la nuit, je reçois un appel VHF de Comalvi me signalant qu’ils ont entendu de la musique assez forte sur le canal 16. Ils sont inquiets. Je viens de repérer un feu de navigation derrière eux en effet… seraient-ce des pirates ?
Je réveille Vincent et nous décidons ensemble d’éteindre nos feux de navigation. Cette décision affole sans doute notre troisième compagnon de route puisque nous voyons brusquement son cockpit s’éclairer violemment sur bâbord. En effet, il avait 2 bateaux sur tribord et puis tout à coup…plus rien ! Et le feu que nous avions repéré semble s’être arrêté, peut-être l’avons-nous effrayé lui aussi en éteignant nos feux de navigation ?
Les pirates dans cette zone pourraient bien n’être finalement qu’un fruit de l’imagination des uns ou des autres, largement relayé par radio-ponton ! Enfin, mieux vaut être trop prudents !
Après 2 jours et 2 nuits ponctués de quelques sueurs froides, quelques belles prises, nous arrivons finalement sans encombre dans l’archipel paradisiaque de Los Roques.
Le paradis de Los Roques
Nous arrivons à Gran Roque, la seule île habitée de l’archipel. Nous devons y faire notre entrée dans le pays et nous tentons aussi de nous approvisionner en frais. Le paquebot de fin de semaine semble être bien arrivé comme prévu et nous parvenons à acheter de la bonne viande vénézuélienne et quelques ananas frais le soir même.
En revanche dès le lendemain, nous sommes impressionnés par les rayons quasi vides du « supermarché ». C’est un bien grand mot pour désigner ce hangar à l’aspect peu avenant. Il est pourvu de rayons en bois où s’entassent des bananes noires et de quelques frigo insalubres.
Nous parvenons quand même à trouver un paquet de pain de mie plus gros qu’Ysance, un peu de fromage (courageux !), des crêpes de maïs périmées et des œufs qui s’avèreront pour une bonne partie pourris ! Mais enfin, il nous reste les noix de coco et la pêche que nous espérons riche en langoustes !
Mais le charme de Gran Roque se trouve bien ailleurs que dans ses magasins ! Ses façades colorées abritant de très jolies posadas souvent très bien meublées, ses rues de sable et ses conques par milliers.
Nous prenons un peu de hauteur le dimanche en allant nous promener avec les Comalvi sur le point culminant de l’île. La vue est saisissante ! Et le drône de Gérault nous offre un point de vue encore plus vertigineux et de belles images de nos deux familles.
Nous avons la permission de rester deux bonnes semaines au Vénézuela c’est-à-dire dans l’archipel des Roques et dans celui des Avès, un peu plus à l’ouest. Et il y a beaucoup de beaux endroits à découvrir !
Vers Boca de Sebastopol
Nous partons d’abord vers le sud-est des Roques. Nous faisons une première escale devant une langue de sable près de Cayo Sardina, au milieu de nulle part, c’est incroyable ! C’est pour Gérault et Vincent l’occasion de poursuivre la pratique du kite surf et pour Zélie le lieu idéal pour apprendre à nager sans bouées sous le regard bienveillant de Jeanne et de maman.
Nous poursuivons notre descente jusqu’au petit banc de sable de Los Castillos où nous restons plusieurs jours. La vie est douce et simple.
Nous poursuivons l’école le matin et la détente l’après-midi. Les enfants s’en donnent à cœur joie avec le canoë et le paddle des Comalvi. Et nous préparons des crêpes pour la chandeleur.
Et les adultes ne sont pas en reste. Après de longues séances de plongée et de découverte nous partageons de bonnes soirées à jouer aux tarots ou à refaire le monde autour du délicieux rhum- passion de Gérault.
Nous partons en annexe explorer la mangrove et l’intérieur du lagon. Les nuances de verts et de bleus de l’eau sont à couper le souffle !
Il règne ici un silence surprenant, saisissant et même un peu angoissant : pas de poissons dans le lagon et très peu de vie visible dans la mangrove. Cet endroit paradisiaque semble endormi, presque mort.
L’ouest des Roques
Après un rapide passage à Gran Roque en remontant, nous partons vers l’ouest. Sea You fend la mer avec un bon degré de gite qui lui confère toute sa grâce et amuse beaucoup Soizic et Victoire qui nous accompagne pour cette navigation.
D’abord Sarky, puis Carenero où nous trouvons un mouillage très protégé entre le récif de corail et la mangrove.
Derrière le récif, le tombant nous offre un lieu de plongée d’une incroyable richesse. Vincent rapporte 4 magnifiques tazards francs pêchés au harpon. Je les prépare en papillote et nous les faisons griller sur la plage, un régal!
En revanche peu de langoustes…après les pêches quasi miraculeuses des précédents Sea You, nous sommes un peu déçus…les pêcheurs expliquent cette pénurie par une eau trop froide (pour les bretons que nous sommes c’est bien sûr très relatif !!!).
L’île de Bequeve nous offre un abri délicieux pendant plusieurs jours. Après le travail du matin, les enfants ramassent quantités de coquillages exotiques sur la plage de sable blanc et organisent même un petit marché pour se les échanger ! Il s’agit de rapporter les plus beaux en cadeau pour les amis qui nous manquent ! Augustine en profite pour apprendre à conduire Téfiti, c’est ainsi que les enfants ont baptisé l’annexe de Sea You.
Vincent assouvit une petite part de son envie d’exploration. Il part avec Médéric visiter l’épave d’un voilier et revient avec de magnifiques images des boobies (genre de fous qui ne sont pas de bassan !) qui nichent sur la côte au vent. Les nids sont souvent garnis de 2 ou 3 œufs mais on aperçoit parfois une petite boule de duvet blanc entre leurs pattes !
Vincent et Gérault nous préparent un superbe barbecue sur la plage avec de délicieuses brochettes poulet-ananas. Le congélateur des Comalvi offre des possibilités qui nous réjouissent : nous sommes bien heureux de pouvoir manger du poulet ! Après l’élevage de Bernard l’Hermitte aux Grenadines, les enfants fabriquent un cirque pour les lézards qu’Amicie capture avec une aisance déconcertante!
Encore une fois nous sommes désolés de voir une quantité impressionnante de plastiques, bouteilles, bidon, tongs et chaussures en tout genre échoués sur ces bancs de sable pourtant tellement éloignés de la civilisation…Ça nous fais prendre conscience de l’urgence du problème écologique. Et pourtant, à l’échelle du petit bout de monde traversé pendant notre tour de l’atlantique en famille, les mesures politiques prises en France semblent malheureusement bien insignifiantes…
Le vent se lève et atteint près de 30 nœuds. Notre mouillage paradisiaque se transforme en résidence assez peu confortable. Nous décidons donc de nous replier sur Cayo de Agua en espérant y trouver un petit coin abrité pour nos deux bateaux. Nous mouillons juste devant une langue de sable réunissant les deux parties de l’île.
Le paysage superbe est moins désert que sur Bequeve. Ici les « daytours » conduisent leurs clients pour profiter du cadre le temps d’un apéritif sur la plage ou d’une séance photo sur la dune. Mais attention, qui dit apéritif dit tente, chaise longue et glacière ! Les équipages parviennent à monter et démonter leur terrasse de café itinérante en un temps record.
Le lendemain, nous avons droit à une démonstration de kite surf sensationnelle ! Devant notre enthousiasme, les surfeurs n’hésitent pas à venir sauter tout près de Sea You et même carrément au-dessus de notre annexe!
Et encore des merveilles sous l’eau sur la barrière de corail. Nous allons explorer les fonds en famille. Nous ne nous lassons pas de ce spectacle formidable de poissons variés aux couleurs chatoyantes au milieu des coraux, cerveaux de Neptune, éponges et algues de dentelle délicates.
Nous hissons les voiles et mettons le cap sur l’archipel des Avès.
– Olivia