Une envie impérieuse d’écrire m’a prise en cette nuit de navigation entre Lanzarote et Dakar. J’y pensais depuis plusieurs jours mais c’est devenu un besoin presque vital.

sans doute ces heures de solitude dans la nuit m’ont-elles conduite à retourner plus en mon cœur?
6 à 9 jours de navigation. Je dois avouer que je les appréhendais vraiment. Même après le rassurant « plein de bouffe » qui apaise ma peur matérielle « de manquer » je reste inquiète. Au fond, j’ai peur de m’ennuyer. Avec 7 enfants à bord ça peut paraître étrange. Et pourtant avec un petit fond nauséeux (toujours :)) je ne me sens pas tellement d’entreprendre grand chose. Broder, peindre, écrire même faire la maîtresse tout cela me paraît impossible. Et je redoute aussi l’ennuie des enfants, à 9 dans 30 m² ca promet d’être sympa si tout le monde pète les plombs!

Et pourtant après le premier jour ou nous devons accepter d’embarquer et de nous réadapter, à ce petit espace familial qu’est Sea You, je découvre avec joie un autre temps. Le temps de me reposer, de lire, de dormir, de câliner mes petits de jouer avec eux, d’avoir de grandes discutions avec les ados, de me régaler de les entendre rire ensemble quand ils se baignent à la traîne exploitant aussi la pétole qui grève la moyenne de vitesse du bateau au grand damne de Vincent. Lui est occupé par Sea You, lui faire donner le meilleur de lui en arrangeant les voiles correctement en fonction du vent, de la mer mais aussi du confort de l’équipage. Génois plein ou non, sur bâbord ou tribord avec ou sans tangon, grand voile ou non pleine ou non, en ciseau ou non,… Autant de questions qui l’occupent en plus de la vie à bord. Il retrouve aussi le gout de la lecture.

J’ai l’impression que j’ai le droit d’être moins efficace qu’à la maison. Je m’autorise à rester allongée dans ma cabine pour lire. Notre hublot donnant dans le cockpit, je profite quand même de la vie et ma porte reste ouverte sur le carré. Je peux ainsi accueillir Ysance, Zélie et les autres pour un câlin, un dessin … Je peux aussi donner mes instructions pour le déjeuner. Quelle joie de coacher de loin Médéric et son assistante Augustine pour la préparation du menu saucisse-purée. Et quelle joie pour eux de l’avoir fait vraiment tous seuls! J’espérais que ce voyage permettrait aux enfants de se découvrir de nouveaux talents. c’est peut-être ca! Soizic à demandé à être maître coq et elle a donc préparé des menus qu’elle a affiché dans la cuisine. Alix semble se réjouir de passer plus de temps avec ses petites sœurs. Elle lit des histoires, câline, donne la douche sur le pont. Amicie, elle, réjouit les petits en leur comptant des histoires de son invention. elle met à profit son expérience de conteuse pour leur plus grande joie. Contrairement à la maison, je ne suis plus le chef à bord et ca fait du bien!

Le temps s’étire tranquillement, les jours sont aussi longs que les nuits, voir moins. Les repas, la vaisselle, la douche, le quotidien est vécu plus entièrement, au présent puisque c’est lui que nous habitons. Je réalise que Vincent commence à se préoccuper de l’arrivée dimanche soir ou lundi mais au fond, peu importe. Nous arriverons quand nous arriverons. Pour l’instant c’est ici et maintenant.

Je prends la quart de 2h30 à 5h30 chaque nuit. C’est un moment que j’apprécie particulièrement une fois que j’ai réussi à sortir du lit. Etape difficile parce-que je réussi maintenant à dormir vraiment. Je n’ai plus peur. Je me suis habituée aux bruits et au roulis. Vincent m’aide en me préparant une tisane avec quelques biscuits. Il est toujours pleins d’attentions pour moi. Il parle souvent de « se mettre au service les uns des autres » et son exemple semble être vraiment motivant pour pour les enfants et pour moi. Je profite du calme de la nuit pour prier et pour penser. Penser à tous ceux qui me manquent : Mes parents, mes frères et sœurs, mes filleuls, mes grands parents vivants ou morts. C’est comme si dans ce temps plus lent et plus présent je sentais la vie plus continue.
Je pense à mes amis proches ou moins proches, ceux qui peuplent mon quotidien à terre chez moi, ceux qui sont malades, ceux qui souffrent! Ceux qui sont dans la joie d’une naissance, ceux avec qui je travaillais, ceux que je voyais régulièrement ou que j’appelais de temps en temps.

Vous tous tous à qui je sais bien que je n’aurais pas le temps d’écrire à l’escale et à qui je voudrais dire que je ne les oublie pas.

– Olivia