L’étape

On m’avait dit que c’était le plus dur! Et bien j’espère que c’était vrai!!!!
Après une courte nuit à Camaret pour aller nous confier à la Vierge de Rocamadour, patronne et gardienne des marins, nous appareillons à 6h30 pour 3 jours de navigation.
Première étape: le passage du raz de Sein « Qui voit Sein voit sa fin » Vincent m’a mise en conditions! Cependant grâce à l’expertise maritime de Papili nous passons devant la « baie des Trépassés » avec le vent et le courant dans le bon sens donc avec une mer plutôt clémente.
Puis la terre disparaît à l’horizon…incroyable sensation d’être seuls en famille au milieu de l’océan!
Dans l’après-midi nous sommes accueillis dans l’Atlantique par un impressionnant ballet d’une trentaine de dauphins! Incroyable ! Pendant plus d’une demi-heure nous assistons à un véritable spectacle nautique: sauts en double, triple et même quadruple parfaitement synchronisés, demi-tour sur le ventre, une merveilleuse course aquatique se joue autour de nous. Les vagues inondent le pic avant du bateau où les enfants se tiennent en ligne pour ne rien manquer de cette superbe chorégraphie marine, tout le monde est trempé mais tellement émerveillé!
Et le lendemain, dès notre réveil, ce sont des énormes cétacés qui coupent notre route par l’arrière! Des baleines ou des cachalots impressionnants tant par leur taille que par leur grâce. Nous admirons leurs gros corps onduler à la surface de l’océan, elles sont au moins 7 ou 8, c’est formidable! Nous nous sentons tellement chanceux de pouvoir contempler ce tableau grandiose, la création est décidément vraiment magnifique!

Mal de mer

Un spectacle pareil ça se mérite! Il faut avoir l’estomac solide et j’avoue qu’après 2 mois d’intenses préparatifs de départ à la maison et sur Sea You le mien n’est pas tout à fait au mieux de sa forme! Les vagues arrivent de travers, la mer est désordonnée et la houle de trois quart arrière provoque un mouvement de roulis doublé d’un balancier d’avant en arrière irrégulier et terriblement instable. Pas sûr que la Foire du trône propose une attraction de ce style! Comme dit Zélie, « il y a beaucoup de « la gitation » sur le bateau » et pas seulement à cause des enfants!
Changer Ysance devient une épreuve de force et c’est la seule que j’accomplis durant ces trois jours. Heureusement que Papili est là pour assurer, avec Alix qui résiste au mal de mer, la cuisine, la vaisselle et les multiples allers-retour dans la cabine.

J’ai du mal à imaginer qu’il va falloir vivre près de 3 semaines dans ce tambour de machine à laver pour traverser l’Atlantique! Je ne peux plus faire demi-tour, il faudra bien que je m’adapte, la petite phrase qui apaise mes angoisses depuis mon enfance me revient sans cesse « Si d’autres l’ont fait, je peux le faire moi aussi, je vais y arriver! ».
Je me prends à penser que le plus grand confort est de vivre dans un endroit stable! Peu importe le bazar, les miettes, les tâches, le froid, l’absence de douche ou même de toilettes fermées; impossible d’imaginer descendre dans la cabine pour autre chose que pour filer m’allonger sur une couchette si possible avec Ysance et Zélie pour me donner bonne conscience: au moins je m’occupe des petites qui font leur sieste et ne gênent pas les manœuvres!
On m’a parlé des 5 F responsables du mal de mer: Froid, Faim, Fatigue, Frousse et « Foif »! Certes je suis fatiguée, je ne bois pas assez et ne garde pas ce que je mange mais je réalise surtout que j’ai peur! Pas intellectuellement: j’ai confiance en Vincent qui skippe le bateau comme s’il avait fait ça toute sa vie, je suis heureuse de le voir s’épanouir à la barre, se réjouir du premier grain qui arrive parce qu’il va pouvoir braver les éléments à bord de « SON fameux bateau fin comme un oiseau ». J’ai confiance en Papili qui le soutient de son expérience et expertise avec une humilité et un respect qui forcent mon admiration, ce n’est pas lui le capitaine, il attend les ordres de son fils lui qui sait mieux que quiconque qu’il n’y a jamais qu’un seul capitaine à bord. J’ai confiance dans la robustesse de Sea You, il a déjà emmené une famille au-delà de l’océan, je sais qu’il nous mènera dans notre tour de l’atlantique en famille en sécurité.

Et mal de mère

Non, ma peur est plus profonde, elle est viscérale, elle me rend malade au sens propre. J’ai peur quand le bateau gite, peur au moindre bruit et il y en a tant: bruits d’eau de la mer ou des tanks, craquements, claquements violents, frottements des voiles, crissements des cordages, bruits de pas sur le pont…
Je suis en alerte permanente. J’ai peur aussi pour l’équipage. Je guette les cris qui suivent les bruits impressionnants pour m’assurer que tout le monde est là, je les écoute parler, je reconnaîs les voix, tout va bien… je peux m’assoupir.
Pendant la nuit, nous mettons en place des quarts de veille et je prends ma part de mon mieux en faisant le premier quart jusqu’à minuit. Je me sens mieux et j’apprécie de voir le soleil se coucher sur l’Atlantique, c’est plus facile pour moi lorsque tout le monde dort en sécurité dans sa couchette; pas facile d’être une maman sur l’atlantique!
Et quand c’est au tour des autres de veiller je me remets en alerte.

Les consignes sont drastiques, gilet de sauvetage avec ligne de vie et lumière de détresse pour les preneurs de quart. Et interdiction absolue de sortir du cockpit sans être accroché y compris pour faire pipi sur la jupe arrière. Mais Vincent sera-t-il assez prudent?
Et quand c’est au tour d’Alix et Soizic de prendre le quart de 5h à 8h, je dois redoubler de confiance pour réussir à finir ma nuit. Elles m’impressionnent par leur enthousiasme et leur incroyable adaptabilité à la navigation! Avec Amicie elles sont des équipières à part entière et je sais que nous pouvons véritablement compter sur elles pour nous aider dans notre navigation en famille autour de l’Atlantique. Sea You a trouvé un nouvel équipage, bien plus féminin que le précédent mais certainement aussi valeureux!

– Olivia